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La visite dont vous êtes le Héros. Jeu collaboratif sur tablettes

mardi 29 octobre 2013

 

Museomix 2012

Description

Ce projet visait à produire un jeu sur tablette, fil rouge de l’ensemble de l’exposition. En pratique la “visite dont vous êtes le héros” concernait principalement la salle des artisans et commerces. L’équipe de visiteurs (3 personnes) se voyait confier la mission de produire et commercialiser leur cargaison de « vinum », chacun recevait pour cela une tablette tactile (Android 10 pouces). Ces appareils numériques fonctionnaient en réseau et nécessitaient la coopération des joueurs pour accéder à des indices et atteindre l’objectif final de la mission. Il s’agissait de résoudre ses propres énigmes/questions tout en état attentif à ses coéquipiers. Les différentes activités numériques proposées facilitaient la découverte du monde artisanal du IIe siècle. Certaines étapes du jeu utilisaient le corps des participants comme repère spatial.

jeu tablette, photo Quentin Chevrier

Retours

Les projets mettant un appareil à disposition des visiteurs se heurtent dès le départ à des questions de logistique qui sont très pesantes dans le déploiement : organiser le prêt et la récupération des appareils, gérer le risque de casse, recharger les appareils, gérer le lancement d’une application unique et éviter que le visiteur ne détourne l’appareil pour d’autres usages dispersant l’attention...

L’objectif de scénario coopératif entre joueurs nécessite une connexion réseau qui pose toujours problème : faut-il une couverture wifi de tout le bâtiment ? Comment gérer le roaming entre base wifi et éviter les déconnexions ? Une variante serait d’utiliser un réseau point à point, mais c’est complexe à mettre en oeuvre entre tablettes.

L’ergonomie du visiteur est aussi une question : une tablette 10 pouces est encombrante, occupe les deux mains. Il ne faut pas avoir un sac ou un manteau à gérer : le prêt de l’appareil doit se faire dès l’entrée du musée, à proximité du vestiaire. Des tablettes plus petites, 5 ou 7 pouces, sont probablement plus adaptées à un usage individuel (lorsque le joueur seul consulte son écran), et il faut réserver les 10 pouces à des utilisations collectives de deux ou trois personnes.

Ces problèmes n’ont pas véritablement été réglés dans « la visite dont vous êtes le héros » mais en réduisant l’expérience à un espace limité et avec la présence d’un médiateur, la gestion du prêt et de la couverture réseau ont été occultés pour tester l’expérience utilisateur.

L’équipe avait travaillé sur un scénario de jeu ambitieux, avec de multiples étapes mais la mise en oeuvre des premières a montré qu’il fallait rapidement itérer le développement pour faire évoluer les modalités d’interaction et l’ergonomie du jeu. Entre la conception théorique du jeu et l’expérience utilisateur, il y a une distance importante, et il faut consacrer du temps de conception à des règles de coopérations simples à comprendre et à réaliser.

On peut probablement identifier des interactions coopératives types sur terminal mobile qu’il faudrait travailler pour constituer une « grammaire » permettant de concevoir des jeux collaboratifs mobiles.

Parmi les pistes explorées par ce jeu retenons :

  • les quiz (chaque membre de l’équipe doit répondre à une même ou différente question),
  • l’identification d’une réponse dans l’espace d’exposition (même question pour chaque membre de l’équipe ou questions complémentaires),
  • donner des éléments d’une réponse à chaque membre, dont l’assemblage donnera la clef à l’équipe,
  • géolocaliser les joueurs pour que leur position physique soit un élément de jeu pour les autres joueurs,
  • des interactions temps réels entre joueurs : il faut, au même moment, faire une action.
    Les mécanismes ludiques pourraient être beaucoup améliorés en utilisant les capacités techniques des appareils afin de simplifier les interactions : utiliser la caméra de la tablette pour valider la réponse du joueur (reconnaissance d’objet) ou pour servir de viseur augmenté, utiliser la boussole et la géolocalisation indoor ou bien l’utilisation de puces NFC pour valider une position ou une réponse, ou débloquer un indice supplémentaire. Utiliser le guidage sonore pour que le joueur n’ait pas à toujours à se focaliser sur sa tablette. Travailler sur la posture physique du joueur que l’on peut induire par des consignes et la manière de tenir la tablette. Donner un son à reconnaître ou à retrouver. On pourra pour cela s’inspirer des gameplays de jeux de références très immersifs et sensibles.

Les scénarios de jeu sont parfois jugés complexes et rendent l’expérience participative peu concluante. La catégorie des visiteurs « experts » s’autorise des formes de critiques en pointant les limites de certains dispositifs.

« On a testé ça un petit peu avec un œil critique. Moi l’idée je trouve absolument géniale mais c’est vrai que du coup... je vous donne un exemple... quand on doit chercher le petit dauphin, tout n’est pas forcément bien expliqué. Et pour passer d’un thème à l’autre, il n’y a pas de lien... il y a des choses peut-être encore à revoir ». (#17)

15-25 ans :

Des jeux coopératifs nécessitent un certain investissement pour les participants : il faut du temps pour entrer dans la narration, comprendre les modalités d’interaction et avancer dans les niveaux de jeu.

La difficulté avec les 15-25 ans va être de leur faire passer cette première étape, de capter leur attention et de susciter leur motivation sur cet effort initial. Une fois celui-ci engagé, la dynamique sera enclenchée et pourra connaitre un effet viral (l’exemple d’autres jeunes impliqué dans le jeu). S’ils sont des publics captifs (scolaires, groupes) ce sera plus aisé, mais avec alors la problématique de gérer une dizaine d’équipes simultanées sur le parcours avec des effets de rivalité, de bruit ou de copie à prévoir.
La compatibilité avec les appareils personnels des visiteurs pourrait être un facteur de motivation supplémentaire pour cette tranche d’âge mais pose d’autres problèmes techniques : compatibilité des appareils, connexion au réseau.

Attention, on remarque que sur les publics adultes au contraire, la dimension ludique des dispositifs peut être une barrière : ces visiteurs jugent ces jeux comme étant destinés aux enfants et s’en détournent naturellement.

Verbatim d’un visiteur à ce sujet : « J’ai plutôt compris que c’était un jeu pour enfants, peut-être que je me suis trompé. Oui je me suis arrêté mais j’ai pas voulu jouer quoi. »

Opportunités :

La conception de jeux collaboratifs, liés étroitement à dans un espace physique pour trouver des indices et avancer dans le gameplay, en jouant sur la posture physique des visiteurs est certainement une voie d’avenir pour les institutions culturelles et scientifiques. Elle s’appuie sur les dynamiques de gamification : motivation par le jeu, progressivité, implication de l’utilisateur tout en gardant le caractère différentiant du lieu public (par opposition à un usage à domicile ou en ligne).

L’écriture de moteurs de jeux coopératifs, mobiles ouverts et mutualisables est sûrement un enjeu pour diminuer le coût de telles productions et avoir les moyens d’explorer les ergonomies et scénarios les plus efficaces.

Documents :

par Yves-Armel Martin